Par Inda Intiar 

C’est par un vendredi nuageux que j’ai visité pour la première fois la boutique de quartier Every One Every Day Kjipuktuk à Halifax. À l’intérieur, le lieu était lumineux et accueillant, et on y offrait une tasse de café à quiconque le souhaitait.

Nichée entre les restaurants et les cafés de la rue Gottingen, la boutique offre à tous, des jeunes enfants aux personnes âgées, un endroit où se retrouver avec sa communauté sans avoir à dépenser un sou.

L’endroit est chaleureux et moderne, et il dispose d’une cuisine, de toilettes, d’un coin pour les enfants, d’un petit bureau, d’une salle de détente et de salles polyvalentes. On y trouve également des fournitures pour l’artisanat, le travail du bois et le jardinage, des livres et des ordinateurs à l’usage du public.

Je me suis jointe à un groupe de personnes assises autour de deux longues tables, prête pour une séance d’artisanat mi’kmaq. Pour fabriquer des porte-clés, nous avons utilisé des bandes de cuir et des perles, le tout fourni par la boutique.

Autour de la table se trouvaient des universitaires, des membres du personnel et un membre de l’équipe du Centre d’amitié autochtone mi’kmaq, qui est situé à proximité. Je me suis amusée à fabriquer mes porte-clés avec des inconnus qui, à la fin, ne me semblaient plus si étrangers.

Nous avons essayé différents modèles en suivant les conseils des hôtes mi’kmaq. La dynamique était positive, et nous nous sommes félicités mutuellement pour notre travail. Les étudiants assis en face de moi étaient fiers des porte-clés qu’ils avaient confectionnés et étaient impatients de les offrir aux membres de leur famille.

Manifestement, la boutique était un lieu accueillant où toutes les personnes, quelle que soit leur origine, se sentaient à l’aise. J’ai pu le constater auprès des résidents qui se sont arrêtés au cours des trois heures que j’ai passées sur place.

Une femme âgée est venue utiliser l’imprimante. Elle a salué tout le monde dans la salle.

Un vidéaste est venu prendre des séquences vidéo pour un projet sur lequel il travaillait avec Every One Every Day Kjipuktuk/Halifax.

Une mère est venue avec sa petite fille pour apporter des matériaux recyclables que le personnel de la boutique pourra utiliser pour différents projets. Tout le monde a adoré la petite Lala!

Une femme est venue utiliser les machines à coudre, une autre a emprunté un chariot utilitaire.

Un couple de personnes d’âge moyen a été accueilli avec enthousiasme par le personnel. « Vous nous avez manqué », a dit l’un des membres du personnel. Ils se sont assis et ont fait des cartes de souhaits pour le personnel.

Une femme qui ne pouvait pas participer au repas communautaire organisé par la boutique le lendemain est passée et a apporté des biscuits pour tout le monde.

Et ainsi de suite.

Cet esprit communautaire est incarné et valorisé par Every One Every Day Kjipuktuk/Halifax, notamment grâce à une approche qui encourage la participation inclusive et active des membres de la communauté.

Every One Every Day Kjipuktuk/Halifax est une initiative menée par le Centre d’amitié autochtone mi’kmaq, en partenariat avec Canada participatif et la fondation Participatory City. 

Cette initiative s’inspire en partie du travail de Participatory City au Royaume-Uni et de son initiative Every One Every Day dans l’est de Londres, bien que l’approche ait été magnifiquement adaptée au contexte en mettant l’accent sur la vérité et la réconciliation et sur les sagesses autochtones, et en adoptant des objectifs explicites de décolonisation des systèmes, des pratiques et des mentalités.

L’objectif consiste à mettre en place des infrastructures sociales solides partout au Canada. 

J’ai visité la boutique dans le cadre de ma bourse en narration transformationnelle de Fondations communautaires du Canada, qui est partenaire de Canada participatif. En mettant l’accent sur le travail d’Every One Every Day Kjipuktuk/Halifax et de Canada participatif, j’espère utiliser la narration pour montrer comment les initiatives locales, sur le terrain, peuvent aider à transformer plus largement les systèmes et les sociétés. 

Grâce à son approche participative, Every One Every Day Kjipuktuk/Halifax sert de plateforme en créant les conditions qui favorisent une participation inclusive. La prémisse est simple, mais son impact est radical dans un monde cloisonné. 

La boutique est l’un des éléments de cette plateforme. Elle offre aux résidents un endroit où ils peuvent faire de l’artisanat, cuisiner ensemble et apprendre les uns des autres, et, ainsi, établir des relations et une communauté. C’est un exemple concret de réconciliation à l’échelle du quartier et dans nos gestes de tous les jours. 

Des séances comme celle à laquelle j’ai participé font partie de projets conçus conjointement par les concepteurs de projets de quartier et les membres de la communauté. Ces séances changent régulièrement et elles sont conçues en fonction des compétences particulières et des talents et des qualités des membres de la communauté. 

Kate, conceptrice de projets de quartier, a dit que les séances sur la nutrition et l’autosuffisance alimentaire étaient parmi les plus demandées par les résidents. 

Julie, une autre conceptrice de projets de quartier, a expliqué qu’une approche participative signifie aussi de s’appuyer sur des ressources déjà présentes dans la communauté. Les conceptrices aident à la réalisation des séances en mettant en relation différentes ressources et personnes du quartier. Imaginez avoir un espace où vous pourriez préparer des lots de repas avec vos voisins, dans le cadre d’une séance présentée par le chef du restaurant de l’autre côté de la rue, en utilisant la cuisine communautaire et des produits de l’épicerie du quartier! 

Tammy, une femme Mi’kmaw qui est gestionnaire de l’apprentissage et de l’évaluation à Every One Every Day, affirme que tout cela aide à bâtir une communauté qui s’appuie sur le concept de circularité et qui peut subvenir à ses besoins. 

La boutique était en développement depuis un certain temps. Elle n’est ouverte que depuis l’été dernier.

Les membres de l’équipe ont dit que, à ce moment-là, ils ont vécu leur propre transformation.

Julie a expliqué que, en ce qui a trait à la conception des séances en collaboration, sa mentalité a changé. Alors que, auparavant, elle se procurait des ressources ou achetait du matériel à l’extérieur, elle s’intéresse désormais aux compétences, à l’espace et aux produits qui peuvent être fournis par la communauté. 

Julie, Kate et d’autres membres de l’équipe d’Every One Every Day Kjipuktuk/Halifax contribuent également à rendre l’espace chaleureux. 

J’ai vu Kate accueillir pratiquement toutes les personnes qui sont venues ce jour-là en leur disant « bonjour, mon coeur » et en leur souriant. Elle m’a fait visiter la boutique et s’est assurée que les gens avaient tout ce dont ils avaient besoin, et ce, jusqu’à ce qu’elle parte. 

« Je dois aller faire des courses », a-t-elle dit, mais non sans avoir auparavant parlé avec enthousiasme à Tammy des cartes reçues de la part du couple.

Tammy s’est tournée vers moi et m’a dit : « C’est comme ça que l’amour grandit ici, vous comprenez? ».


Inda Intiar (she|her) est lauréate d’une bourse en narration transformationnelle de Fondations communautaire du Canada. À ce titre, elle cherche à utiliser la narration pour montrer comment l’innovation et les initiatives locales peuvent aider à transformer plus largement les systèmes et les sociétés. Elle se concentrera sur le travail de 7GenCities et d’Every One Every Day Kjipuktuk/Halifax qui consiste à bâtir des infrastructures sociales qui mettent l’accent sur la vérité et la réconciliation et à encourager la participation inclusive et active des membres de la communauté.