Le présent texte s’inscrit dans notre série sur le Fonds d’urgence pour l’appui communautaire. Nous démontrons comment ce programme de financement fédéral de 350 millions de dollars soutient les populations vulnérables touchées de manière disproportionnée par COVID-19.


Bien avant la crise sanitaire, l’insécurité alimentaire était un problème important qui touchait près de 4,5 millions de Canadiens. Or, lorsque le virus s’est propagé le pays, ce nombre a augmenté de 39 %. L’insécurité alimentaire touche d’ores et déjà environ un Canadien sur sept.

Les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif travaillent sans relâche pour s’assurer que les populations les plus vulnérables du pays peuvent se nourrir. Pour soutenir leurs efforts, les Fondations communautaires du Canada ont accordé du financement à près de 5 000 projets par l’entremise du Fonds d’urgence pour l’appui communautaire (FUAC). Remarquons que plus de 1 800 de ces projets portent directement sur la question de la sécurité alimentaire.

Répondre aux besoins essentiels

L’une de ces organisations est la municipalité d’Igloolik, dans la région de Qikiqtaaluk, au Nunavut. Avant la pandémie, près de 70 % des ménages du territoire étaient en situation d’insécurité alimentaire. Stephen Frampton, responsable par intérim du développement économique communautaire, explique que la chasse était la principale source d’alimentation pour la génération précédente. « Du jour au lendemain, la chasse a été remplacée par l’argent et les emplois. Cela a eu des répercussions sur la sécurité alimentaire parce que les gens ont dû s’adapter à un nouveau mode de vie. »

Puis, le pays était aux prises avec une crise sanitaire. « L’idée que l’économie puisse s’arrêter, c’est fou! Avant, avec la chasse, il suffisait de redoubler d’efforts pour survivre. La COVID-19 nous affecte parce que beaucoup de gens dépendent des emplois et de l’argent.

La municipalité d’Igloolik a divisé le financement du FUAC en trois catégories : les bons alimentaires pour l’épicerie, les bons de chasse pour le carburant et les collations, et les bons pour les articles de bébés. « Les couches et les préparations pour nourrissons sont tellement chères ici. Ces coupons réduisent un peu le fardeau financier porté par les parents », explique M. Frampton.

Aider les parents à nourrir leur famille

Un autre organisme financé par le FUAC, Backpack Buddies, veut également éliminer la faim chez les enfants. Elle fournit des repas pour la fin de semaine aux élèves en situation précaire en Colombie-Britannique. Au début de la pandémie, la fermeture des écoles a entraîné la fin d’une certaine stabilité alimentaire durant la semaine. BackPack Buddies a attiré les foules. L’organisme recevait des demandes provenant d’un nouveau groupe démographique : les personnes qui perdaient leur emploi et celles qui ne pouvaient pas travailler en raison de problèmes de santé préexistants.

Backpack Buddies a utilisé le FUAC pour élargir la portée de ses activités. « Avant la pandémie, nous offrions des repas à 1 300 enfants par semaine », explique Emily-anne King, cofondatrice et vice-présidente. « Chaque enfant recevait un sac à dos avec six repas par semaine. Désormais, près de 3 000 enfants en reçoivent. Nous avons étendu notre portée de 14 à 24 districts scolaires, répartis dans toute la province. Nous avons également bonifié notre offre : chaque enfant reçoit maintenant neuf repas dans son sac à dos chaque semaine. »

King raconte l’histoire d’une mère de cinq enfants à laquelle l’organisme vient en aide. « Elle nous a dit que nous étions une source de stabilité dans sa vie. Elle savait que ses enfants auraient ce dont ils avaient besoin et que cela lui permettait, ainsi qu’à son mari, de ne pas sauter des repas. »

Un mouvement de jardinage en pleine expansion

À Parry Sound, en Ontario, la réserve de la biosphère de la baie Georgienne (GBBR) facilite l’accès à la nourriture pour les familles en leur offrant un système de jardinage maison. Au début de la pandémie, les banques alimentaires étaient soumises à une pression énorme. La GBBR a rapidement distribué des jardinières à ses partenaires de première ligne, offrant ainsi aux ménages la possibilité de faire pousser leurs propres aliments sains.

« Le jardinage présente des avantages pour la santé physique, mais aussi pour la santé mentale », explique Rebecca Pollock, directrice exécutive. « Nous savions aussi que beaucoup de personnes âgées étaient extrêmement vulnérables, et que cultiver de la nourriture leur procurerait une grande joie. »

En l’espace de trois mois, et grâce au FUAC, la GBBR a distribué des jardinières à 420 personnes, principalement des personnes âgées et des familles autochtones. Pollock ajoute qu’ils ont reçu des cartes de remerciement avec ce genre de message : « Votre jardinière a apporté de la joie dans la vie de ma mère. Elle était déprimée et isolée, mais elle va tellement mieux grâce au programme. »

Regard vers l’avenir

En matière de lutte contre l’insécurité alimentaire, les communautés savent ce dont elles ont besoin. Lorsqu’il s’agit de prendre des décisions concernant la gestion du financement de Backpack Buddies, King déclare : « Il y a une boucle de rétroaction pour s’assurer que nous offrons aux enfants ce qu’ils aiment manger. Ils ont des besoins précis et nous nous y adaptons chaque fois que nous en avons l’occasion. »

La GBBR a des partenariats directs avec des banques alimentaires locales, des refuges pour femmes, des églises, etc. « Notre travail consistait à dire aux organismes de première ligne que nous étions en mesure d’offrir du soutien. Il nous fallait simplement des chiffres; nous prenions en charge les livraisons », explique Pollock.

Frampton, quant à lui, souligne que le financement n’est généralement pas versé directement aux municipalités, et qu’Igloolik ne fait pas exception. Cependant, dans le cadre du FUAC, il fait valoir ceci : « nous jouissons d’une grande liberté pour l’utilisation du financement. Nous sommes en mesure de prendre nos propres décisions en fonction des besoins de nos communautés. »

Bien que ces trois organisations aient eu une incidence importante dans leur communauté, l’insécurité alimentaire ne disparaîtra pas après la pandémie. Pour la municipalité d’Igloolik, une des solutions consiste à se concentrer sur l’entrepreneuriat local, afin que l’argent reste dans la communauté. « Ce serait un objectif à long terme pour l’autonomie et la sécurité alimentaire », ajoute Frampton.

Pour Pollock, le jardinage peut jouer un rôle clé dans la reconstruction communautaire. « Nous voulons participer à ce mouvement de durabilité et de bien-être dans nos communautés. »

Pour la suite des choses, King estime que le financement pourrait être octroyé aux organisations locales, « plutôt que de tenter de réinventer la roue en créant d’autres programmes de services alimentaires. S’il y avait un soutien du gouvernement sur le long terme, nous pourrions avoir un effet collectif considérable. »