Ce témoignage s’inscrit dans notre série Initiative canadienne pour des collectivités en santé qui explique comment les 31 M$ d’investissement du gouvernement du Canada soutiennent les communautés à mesure qu’elles créent et adaptent les espaces publics pour répondre aux nouvelles réalités de la COVID-19.
Pendant la pandémie, Kendra Strauss, professeure à l’Université Simon Fraser, a commencé à faire du bénévolat au Red Cedar Café (en anglais). Ce programme alimentaire communautaire à but non lucratif géré par des bénévoles a été mis en place en réaction à la situation créée par la COVID-19.
Isolée chez elle et en télétravail, Mme Strauss cherchait autant une communauté qu’une façon de « [contribuer] à des solutions à un moment où beaucoup de gens étaient en grande difficulté », affirme-t-elle.
Le Red Cedar Café a ouvert ses portes à Victoria en Colombie-Britannique en avril 2020. Mme Strauss explique que « [l’organisation] était dirigé par le conseil d’administration original et les membres de la communauté » et avait pour but de soutenir les personnes les plus durement touchées par l’effondrement de l’économie. Des professionnels de l’industrie alimentaire et des leaders communautaires comme le conseiller Ben Isitt et la défenseure de justice sociale Liz Maze comptent parmi les membres fondateurs.
L’équipe s’est installée dans les locaux d’un ancien motel que la province avait réquisitionné pour y aménager des logements sociaux. Dans un premier temps, les gens pouvaient s’y rendre pour chercher de la nourriture ou manger sur place. Toutefois, les restrictions sanitaires ont rapidement fait en sorte que « les gens avaient de plus en plus de mal à venir en personne », explique Mme Strauss.
« [Le programme de financement] insiste sur le fait d’offrir des solutions nées dans la communauté à des besoins que l’on trouve dans la communauté. Pour nous, la compatibilité était indéniable. »
À peu près au même moment, le conseil municipal de Victoria pressait BC Housing de fournir des logements d’urgence. En effet, tandis que l’on comptait entre 24 et 35 refuges temporaires à Victoria avant la pandémie, la ville en a recensé 465 en avril 2020 (en anglais).
Pour répondre à cette situation, l’équipe de Red Cedar s’est tournée vers la préparation de repas pour les membres de la communauté sans logement. Lorsque Mme Strauss s’est jointe à l’organisme pour travailler bénévolement dans sa cuisine, l’équipe avait encore changé son fusil d’épaule et lancé un nouveau programme de distribution de repas surgelés aux personnes isolées chez elles pendant la pandémie.
Selon Mme Strauss, l’équipe a utilisé des aliments donnés « qui, autrement, auraient fini à la poubelle » et s’est occupée en priorité des membres de la communauté vivant dans des ménages à faible revenu ou en situation de handicap.

Rester à flot
Dans le but de mettre l’organisation sur des bases plus solides, Mme Strauss et les autres membres de l’équipe de Red Cedar ont recherché des occasions de financement. C’est alors qu’elle a découvert le financement de l’Initiative canadienne pour des collectivités en santé (ICCS), distribué par Fondations communautaires du Canada et les fondations communautés locales.
L’ICCS finance des solutions proposées par les communautés pour créer des espaces publics sécuritaires et vivants pendant la pandémie de COVID-19, de même que des solutions numériques qui permettent aux communautés de rester en contact. Avec les 128 010 $ obtenus de l’ICCS, Red Cedar a pu créer un espace public sécuritaire, accessible et inclusif au centre-ville de Victoria accueillant tous les membres de la communauté pour un dîner en toute sécurité. Lorsque les mesures sanitaires ont forcé la fermeture du café au public, ces fonds ont permis de mettre en place un service de repas livrés. Grâce à ces fonds, l’organisme a également pu créer un nouveau poste dans son programme Free Store pour la distribution d’articles d’épicerie gratuits provenant de surplus donnés.
Mme Strauss explique que l’idée centrale et fondatrice de Red Cedar est de fournir « une réponse communautaire à un besoin communautaire », soit une des valeurs centrales de l’ICCS. « [Le programme de financement] insiste sur le fait d’offrir des solutions nées dans la communauté à des besoins que l’on trouve dans la communauté. Pour nous, la compatibilité était indéniable. »
« Lorsque nous épuisons nos réserves de repas chaque semaine, nous savons qu’il y a des gens qui n’en mangeront pas. Nous aimerions tellement que toute personne qui souhaite recevoir un repas puisse en avoir un », affirme Mme Strauss.
S’adapter comme mode de fonctionnement
Malgré ce nouveau financement, Red Cedar continue d’affronter de nombreux défis liés à la COVID-19. « Le passeport vaccinal était un grand problème », rappelle Mme Strauss. « Les gens sans logement n’avaient pas accès à la technologie du passeport vaccinal sur leur téléphone ou n’étaient pas vaccinés. »
Red Cedar ne cesse d’adapter son modèle d’affaires. « Nous avons ouvert le café, puis nous l’avons fermé. Nous avons pu accueillir des gens dans notre espace pour leur permettre d’utiliser le réseau sans fil gratuitement et de charger leur téléphone. Puis, à d’autres moments, nous avons dû fermer l’espace. »
Tout au long de cette période en montagnes russes, Cedar Red a donné la priorité à son programme de repas surgelés et au Free Store afin de contrer l’insécurité alimentaire, même sans la présence des gens sur place.
« [Les programmes] vont chercher les gens là où ils sont, sans qu’ils aient à se soumettre à toutes les restrictions que nous avons connues en Colombie-Britannique », renchérit Mme Strauss.
Pour faciliter les choses le plus possible et s’assurer que les membres de la communauté sont traités avec respect et dignité, Red Cedar fournit des repas sans poser de questions. « Nous voulons éviter que nos services soient testés de quelque façon que ce soit, et renonçons au fastidieux processus pour s’inscrire ou devoir justifier un besoin », explique-t-elle.
Les résultats sont sans équivoque : chaque semaine, le programme de repas surgelés de Red Cedar offre quatre ou cinq repas principaux, en plus de fruits, de pain, de salades et de café. Les gens peuvent passer leur commande par téléphone ou en ligne. « Souvent, les repas s’envolent en une ou deux heures », ce qui représente environ 1 000 repas, selon Mme Strauss. « La demande dans la communauté est énorme. »

Bâtir pour l’avenir
Malgré tous leurs efforts, l’équipe de Red Cedar ne peut rien contre l’augmentation du coût de la vie et l’inflation à Victoria, qui aggravent l’insécurité alimentaire. « Notre plus importante barrière, c’est que nous sommes tout simplement incapables de préparer suffisamment de repas pour tous les gens qui en ont besoin », affirme Mme Strauss.
C’est là que des programmes de financement comme l’ICCS entrent en jeu. « Le [financement] a été déterminant pour notre capacité à maintenir nos programmes au cours des six derniers mois », dit Mme Strauss. « Très franchement, je ne sais pas si nous aurions été capables de garder nos portes ouvertes sans cet argent. »
Elle ajoute que le financement de l’ICCS a permis à Red Cedar de s’adapter en fonction des besoins : « nous savons que notre communauté aurait vraiment été affectée par la fermeture des programmes si nous n’avions pas reçu ce soutien. »
Pour l’avenir, Mme Strauss souhaite l’expansion des programmes afin de pouvoir aider encore plus de personnes, un objectif réalisable avec des fonds communautaires supplémentaires.
« Lorsque nous épuisons nos réserves de repas chaque semaine, nous savons qu’il y a des gens qui n’en mangeront pas. Nous aimerions tellement que toute personne qui souhaite recevoir un repas puisse en avoir un », affirme Mme Strauss.
(Tous les photos par Sharon Kelly)