Le présent texte s’inscrit dans notre série sur le Fonds d’urgence pour l’appui communautaire. Nous démontrons comment ce programme de financement fédéral de 350 millions de dollars soutient les populations vulnérables touchées de manière disproportionnée par la COVID19.
Le progrès de la campagne de vaccination au Canada nous permet d’entrevoir de plus en plus clairement la fin de la COVID19. Toutefois, les conséquences de la pandémie vont au-delà du virus. Ainsi, la hausse des cas de violence fondée sur le genre est l’un des grands enjeux des derniers mois.
Avant la pandémie, la moitié des femmes au Canada disaient avoir été victimes d’au moins une agression. Qui plus est, une femme est tuée par son partenaire intime environ tous les six jours au pays. En raison des mesures de prévention liées à la COVID19, les victimes ont été contraintes de rester à la maison, d’être confinées dans un domicile violent et d’avoir un accès limité aux services de soutien.
Afin d’aider les organismes à soutenir les populations vulnérables pendant la pandémie, Fondations communautaires Canada (FCC) a octroyé du financement à près de 5 000 projets grâce au Fonds d’urgence pour l’appui communautaire (FUAC). Parmi ces projets, plus de 300 abordent directement la problématique de la violence fondée sur le genre.
Se donner plus de moyens
Lloydminster Sexual Assault Services (LSAS, en anglais) est l’un des organismes soutenus. Établi en Saskatchewan, il offre de l’aide aux personnes et familles victimes de violence sexuelle, d’exploitation ou de harcèlement.
Pendant la COVID19, l’équipe de LSAS a travaillé 24 heures sur 24, aux prises avec une liste d’attente pour des interventions en situation de crise et les services de soutien, qui ne cessait de s’allonger. « À regarder les trois derniers mois de notre trimestre d’automne [en 2020], les chiffres sont nettement supérieurs à ceux des années précédentes », affirme Heather Sinfield, directrice des initiatives communautaires.
Pour respecter les directives en lien avec la COVID19, LSAS a réduit le nombre d’employés présents dans ses bureaux. « Nous avons fait le virage et adopté les séances virtuelles ou par téléphone pendant une bonne partie de la pandémie », explique Mme Sinfield. À l’intérieur des bureaux, « seulement un (membre du personnel) pouvait offrir des séances dans un espace sécuritaire qui a été désinfecté, donc le temps d’attente entre les séances a été allongé. »
Le financement du FUAC a permis à LSAS d’ajouter un poste d’intervenant en situation de crise à temps plein. Selon Mme Sinfield, « cela nous a permis de nous occuper d’une partie des personnes en situation de crise que nous évaluons au moment de leur arrivée », et donc de venir plus rapidement en aide à la clientèle. De plus, LSAS a utilisé l’argent pour former des employés « à répondre aux appels de crise et à réduire un tant soit peu la liste d’attente, en vue de l’avenir. »
Écrire sa propre histoire
À Toronto, Diaspora Dialogues (DD, en anglais), un organisme à but non lucratif, aide des écrivaines et écrivains émergents à transformer leur talent en carrière, suivant les conseils de professionnels établis dans l’industrie. « Nous travaillons avec ces personnes en les jumelant à une ou un mentor qui les aidera à trouver leur voix et à raconter leurs histoires », explique Helen Walsh, présidente et fondatrice de DD. « Notre organisme met l’accent sur la création de lieux sûrs pour explorer des sujets difficiles. »
DD a utilisé le financement obtenu du FUAC pour mettre en place un programme de mentorat spécialisé en création littéraire qui s’adresse aux femmes et aux filles racisées victimes de violence familiale. « La majorité des personnes avec qui nous travaillons racontent des histoires difficiles, des histoires d’inégalité raciale, d’immigration et [de la vie] de réfugiés, d’abus et de violence. Depuis toujours, la violence fondée sur le genre fait partie de notre travail. »
L’argent du FUAC a servi à rémunérer les mentors du programme et les organisateurs et organisatrices d’ateliers, dont Joanne Vannicola, écrivaine et actrice gagnante d’un prix Emmy. Selon Mme Walsh, « avoir la possibilité d’aider son prochain, c’est très émouvant. D’abord en racontant sa propre histoire, puis en aidant (des écrivaines et écrivains émergents) à trouver leur propre voix pour raconter leur histoire. »
Reconstruire en mieux
Pour FCC, il était crucial que les organismes soutenus par le FUAC placent leur communauté au cœur de leurs décisions. C’est ce que LSAS fait depuis toujours, p. ex. en diffusant des ressources pour la prévention de la violence sur sa chaîne YouTube. L’équipe choisit les sujets abordés en fonction des questions reçues de sa clientèle.
« Nous savons que les personnes survivantes de violence sexuelle ont souvent l’impression de ne pas avoir de voix », dit Mme Sinfield. « Nous sommes donc vraiment à l’écoute de notre communauté pour partager le plus d’information et de ressources possible. »
DD entretient également des liens étroits avec sa communauté. « Chaque année, toutes les personnes participantes, comme mentore ou mentorée, nous donnent leurs commentaires. Ensuite, [nos programmes sont] ajustés en fonction de cette rétroaction », explique Mme Walsh. Dans le cadre du programme financé par le FUAC, DD a invité des mentors et mentores qui avaient écrit sur le thème de la violence fondée sur le genre ou travaillé en psychothérapie. Mme Walsh ajoute que « nous avons consulté différentes personnes pour nous assurer que le programme s’adapte [aux écrivains et écrivaines]. »
Comme beaucoup d’autres organismes communautaires, DD fait face à une demande qui dépasse ses capacités actuelles. Selon Mme Walsh, avec un financement récurrent, « nous serions en mesure d’approfondir et d’élargir notre capacité à adapter notre offre à chaque femme ou fille, plutôt que de leur demander de s’adapter à l’un de nos programmes existants. »
La priorité absolue de LSAS est de réduire le délai d’attente entre l’admission des personnes requérant des services, et le financement du FUAC a contribué à cet objectif. « Le défi de la violence sexuelle, [c’est que] nous ne savons jamais quand elle survient », explique Mme Sinfield. « Tous les fonds récurrents sont investis pour assurer que [notre] intervention en cas de crise et efficace et rapide. »
La fin de la pandémie ne signifiera pas la fin de ces interventions. « Nous observons des besoins complexes chez les personnes survivantes d’agressions sexuelles, aggravés par le stress lié à leur situation financière, leur emploi et l’isolement », explique Mme Sinfield. « Nous savons que cette problématique ne disparaîtra pas avec la COVID. »
À l’avenir, DD souhaite aider plus de victimes de violence familiale à s’approprier leur histoire. Selon Mme Walsh, « le silence et l’oppression sont destructeurs et contribuent au traumatisme intergénérationnel. L’expérience de l’écriture représente un moyen de briser le cycle, de déconstruire la question de qui peut être victime de violence fondée sur le genre, de montrer qui on est vraiment et de retrouver sa voix au moyen de l’écriture. » Cette expérience sera tout aussi pertinente après la COVID19.