La transformation exige de la tension, de l’errance, du courage et une volonté de faire face à un sentiment de perte.
À l’automne 2020, Fondations communautaires du Canada a lancé l’initiative d’exploration de la transformation afin de mieux comprendre comment soutenir la transformation des systèmes au sein du mouvement des fondations communautaires et d’autres secteurs. Cette initiative répondait aux changements considérables entraînés par la COVID-19, aux inégalités raciales et de richesse révélées et exacerbées pendant la pandémie, ainsi qu’à notre urgence climatique persistante.
L’article suivant reflète notre parcours, les leçons que nous avons apprises en cours de route et les nombreuses possibilités que nous continuons à rechercher sans relâche dans notre engagement à créer un avenir où tout le monde a sa place.
Écrit conjointement par Njoki Mbũrũ, Inda Intiar et Michelle Baldwin

Les infrastructures de l’imagination
La possibilité de contribuer à un avenir plus équitable, vivable, inclusif et agréable est à la fois un privilège et un droit. Au-delà du statu quo et du familier, il existe un lieu de curiosité et de divertissement. Un terrain fertile pour nos questions hypothétiques et un environnement propice à nos pensées libres et à nos idées indéfinies.
La transformation exige de la tension, de l’errance, du courage et une volonté de faire face à un sentiment de perte. Dans certaines parties de nos histoires individuelles et générationnelles, nous pouvons disposer de modèles pour nous guider et nous instruire sur certains processus, certaines traditions et croyances, etc. Toutefois, même ces
« normes » et ces « standards » ont été, à un moment donné, le fruit de l’imagination de quelqu’un d’autre.
« Nous vivons à l’intérieur de l’imagination des autres »
Terry Marshall
Bien que ces modèles éprouvés et de longue date peuvent se révéler efficaces, ils font rarement place à l’imagination, à l’équité, à l’inclusion et à la diversité des points de vue. En effet, la facilité se fait souvent au détriment de la complexité et semble être l’ingrédient principal du carburant qui alimente la modernité.
Par conséquent, lorsqu’on cherche à transformer les systèmes, la remise en question du statu quo est à la fois nécessaire et irrésistible. Elle nous pousse vers ce que le philosophe nigérien Bayo Akomolafe appelle « un autrement ».
En d’autres termes, notre capacité à entreprendre un travail de changement et de transformation requiert une force qui nous éloigne de ce qui a toujours été ; un tiraillement de notre imagination ; une résistance au flux de la familiarité ; un tâtonnement vers un écho lointain à travers l’immensité de nos paysages sociaux, politiques, économiques et culturels. Plus important encore, du moins de notre point de vue en tant que personnes se trouvant dans un espace liminal, la transformation des systèmes nécessite une volonté d’incarner l’absence de forme, de jouer avec la métamorphose, de devenir malléable et d’observer comment ce « je » individuel est connecté à tous les
« nous » collectifs.
Retour à l’essentiel
Le parcours vers la transformation ne se limite pas à une seule voie et n’est pas non plus linéaire. Nous pensons qu’il existe une multitude de voies possibles dans le processus de transformation des systèmes, et c’est cette abondance d’imagination et d’avenir qui rend notre travail riche et résilient et qui constitue un acte de résurgence.
Dans le contexte de la modernité, il y a un penchant pour la simplicité, l’uniformité, l’hégémonie et les récits dont la fin est prévisible. Ces approches réductrices et singulières de la création, de la communauté et de la créativité s’accompagnent d’une disposition à considérer la limitation et la compétition comme des mécanismes de croissance et de progrès. En approfondissant cette hypothèse, nous constatons que l’obsession de la modernité pour le « progrès » privilégie, peut-être involontairement, les quelques personnes qui définissent ce qu’est le « progrès ».
Ainsi, lorsqu’elle examine nos définitions et notre compréhension de la transformation des systèmes, notre équipe de transformation de FCC ne se contente pas d’accueillir la complexité, la contradiction, l’interdépendance et la multiplicité. Elle leur donne la priorité. Nous sommes inspirés par ces mots simples de Calvin Williams, membre clé du Wakanda Dream Lab : « l’ irrésistibilité de l’abondance ».
Grâce à cette inspiration, cette aspiration et cet état d’esprit, nous avons, au fil du temps, élaboré la définition suivante de la transformation des systèmes :
La transformation des systèmes implique de s’attaquer aux défis les plus difficiles et aux problèmes les plus urgents et de tirer parti de possibilités jusqu’alors inimaginables.
À partir de là, nous avons passé au peigne fin les éléments suivants comme autant de lignes de réflexion sur les nuances de la transformation des systèmes. La transformation des systèmes comprend :
- Transformer l’état d’un système en modifiant ses principes sous-jacents, ses interprétations, ses relations, ses flux de valeur et ses normes.
- Changer les mentalités et les paradigmes qui abordent l’intersectionnalité, les structures de pouvoir et les iniquités de ces systèmes.
- Avoir un processus holistique et interconnecté de changement intentionnel.
- Ne pas se limiter à une seule mission ou à un seul problème, mais transformer plusieurs aspects d’un système donné en vue d’un avenir meilleur.
Notre équipe de transformation a identifié les thèmes clés suivants comme étant nos
« aspirations en matière de transformation des systèmes » :
- La justice de l’équité raciale
- La souveraineté autochtone et la réconciliation avec les Autochtones
- La justice climatique
- Des communautés dynamiques et connectées
- Des économies inclusives et durables
- La justice de l’équité des genres
Nous ne percevons pas ces aspirations comme étant cloisonnées ou séparées les unes des autres. À tout le moins, ces trois dernières années passées à vivre une pandémie mondiale ont confirmé que nous faisons partie d’innombrables réseaux de relations et de systèmes. Par conséquent, un investissement de notre temps, de notre énergie et de nos ressources dans la remise en question, l’élaboration ou le changement des politiques, des pratiques et des modèles dans le secteur de la justice climatique signifie que nous contribuons à une sorte d’interruption/de perturbation nécessaire dans le domaine des économies inclusives et durables.

Can I Get a Witness?
Bien que nous ayons le privilège de créer nos propres histoires, nous avons également la responsabilité d’assumer les conséquences des récits que nous choisissons d’élaborer.
Dans le cadre de nos méthodes de travail et d’apprentissage, nous nous appuyons sur le pouvoir transformateur de la narration pour susciter des changements aux niveaux individuel, interpersonnel et systémique. Comme nous l’avons observé, la narration nous rappelle qu’il faut d’abord porter un regard sur nous-mêmes avant d’écrire ou de parler des réseaux plus vastes dont nous faisons partie. Ce travail de création narrative est à la fois introspectif et tourné vers l’extérieur et il constitue un processus qui nécessite de l’intention, de l’attention et de la répétition.
Dans le cadre de la transformation des systèmes en particulier, la narration est un outil puissant qui fait apparaître nos forces et nos contributions uniques au changement systémique. En même temps, la narration met en lumière, sans complexe, la manière dont nos croyances, nos valeurs et nos méthodes de travail constituent elles-mêmes des obstacles à la transformation. La façon dont nous choisissons d’intégrer les leçons que nous tirons en cours de route dépend de nous (écoutons-nous seulement ce que nous voulons entendre ?).
Dans ce parcours à travers/vers la transformation des systèmes, nous avons invité plusieurs personnes comme témoins de notre (dé)formation collective. Parallèlement à nos propres pratiques d’introspection en tant qu’individus et en tant qu’équipes, nous créons des espaces pour nous inspirer de divers membres et leaders de notre communauté. Ces personnes ont des responsabilités et des rôles variés au sein de leur propre communauté, mais elles offrent gracieusement leurs compétences pour nous soutenir dans notre parcours de transformation en nous posant des questions difficiles, en affrontant la tension de l’inconnu et en naviguant sur des terrains en constante évolution à travers de multiples formes de narration.
Depuis 2022, nous avons collaboré avec trois jeunes conteuses dans le cadre de la Bourse en narration transformationnelle récemment créée. Cette bourse est une initiative qui s’inscrit dans le portefeuille de transformation de FCC. Son but est de mobiliser les jeunes pour qu’ils apportent une vision équitable et intergénérationnelle dans la narration afin d’entraîner une transformation des systèmes. Cette bourse est rendue possible grâce au financement de Canada Vie, la RBC et Propel Impact.
Ces conteuses avec lesquelles nous avons collaboré et continuons de collaborer, Ayusha Mahajan, Inda Intiar et Njoki Mbũrũ, apportent à notre travail un éventail d’expériences, de compétences, de questions, de visions et d’encouragements. Leurs histoires créent de nouveaux modèles de réflexion, de discussion et de travail sur le changement. Au cours de l’année écoulée d’itération de ce processus, une observation importante a été faite : si nous voulons vraiment réaliser notre objectif de créer un avenir où chacun a sa place, nous devons nous rendre disponibles à la vulnérabilité d’avoir des témoins. Nous devons nous laisser voir entièrement (avec nos défauts, nos fautes, nos échecs) et laisser ce processus de témoignage guider notre façon de nous positionner en tant qu’auteurs et lecteurs d’une nouvelle histoire.
Nous n’avons pas à définir le sens de l’expression « un avenir où chacun a sa place » si nous ne sommes pas disposés à être présents à chaque partie de qui et ce que nous sommes en ce moment.
Nous tenons donc à vous remercier d’avoir été notre témoin en lisant cette histoire. Considérez qu’il s’agit d’une invitation sincère à participer et à co-créer avec nous.
Nous avons hâte de collaborer avec vous dans ce dialogue, cette recherche, ce jeu et ce divertissement où nous aurons à la fois le privilège et la responsabilité d’être témoins les uns des autres durant notre parcours de transformation des systèmes.
Pour communiquer avec nous :